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cœur, de ne la lui faire connaître qu'avec précaution et ménagement. L'intensité des effets des passions de l'âme sur le cœur dépend principalement du degré d'excitabilité des nerfs qui relient le cœur et le cerveau. Plus cette excitabilité est grande, plus les mouvements cardiaques sont prononcés et plus aussi les impressions consécutives sont délicates. C'est parce que les femmes et les enfants ont ces nerfs plus excitables qu'ils ont aussi le cœur plus profondément affecté par les passions ou, comme on le dit, le cœur plus tendre et plus sensible (1).

C'en est assez, pensons-nous, de ces observations générales sur l'action directe du système nerveux envisagée comme un principe propre à éclairer les phénomènes émotionnels. Voyons maintenant jusqu'à quel point Darwin a réussi à donner une théorie satisfaisante des cas particuliers qu'il rattache à ce principe.

II. Applications particulières du troisième principe de Darwin.

Il est évident que nous n'avons rien à objecter lorsque Darwin, avec tous les physiologistes, attribue à l'action directe du système nerveux la décoloration accidentelle des cheveux sous l'influence d'une profonde terreur ou d'un chagrin extrême, le tremblement des muscles dans des circonstances diverses, les modifications des sécrétions du canal alimentaire et de certaines glandes sous l'empire de fortes émotions, le trouble apporté dans les battements du cœur par la moindre impression extraordinaire. Relativement à ces diverses questions, Darwin ne fait guère que décrire les phénomènes et s'aventure peu dans les explications de détail. Mais, dans le tableau varié des expressions émotionnelles, Darwin détache et approfondit quelques traits d'une manière particulière, et il est intéressant de le suivre dans cette étude.

(1) Fernand Papillon, ibidem, p. 832-834.

Les expressions que le physionomiste anglais soumet ainsi à une analyse plus complète sont le rire, le hérissement et la rougeur excitée par un sentiment de honte ou de modestie. Nous allons nous y arrêter successivement.

Le rire.

Le rire soulève deux questions :

Quelle est la signification essentielle de cette expression? Jusqu'à quel point peut-on s'expliquer les caractères qu'elle présente?

A. Signification essentielle du rire.

Selon Darwin, le rire ne serait pas autre chose qu'un rayonnement de la joie. << Dans sa signification primitive, nous dit-il, le rire ne paraît être que l'expression de la joie et du contentement (1). » Par suite, à sa manière de voir, il n'y aurait entre le rire et le sourire qu'une différence du plus au moins, et à part la question de degré, ce seraient des phénomènes complètement similaires.

Il y a là, d'après nous, une erreur.

Le sourire est bien simplement l'expression du contentement et de la bienveillance. Mais le vrai rire, caractérisé particulièrement par les mouvements spasmodiques du diaphragme, suppose toujours l'intervention d'un élément tout différent de la joie, c'est la perception intellectuelle, dans un acte, dans un fait, dans un accoutrement, dans une attitude, d'une réunion bizarre de circonstances qui jurent, pour employer l'expression vulgaire, de se rencontrer ensemble. Ainsi on rit si l'on voit une vieille femme affecter une élégance tapageuse sous une toilette de jeune fille. Le rire, en un mot, est l'écho répercuté par l'organisme, d'un jugement qui saisit le côté grotesque ou plaisant d'une association de choses naturellement incompati

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(1) Laughter seems primarily to be the expression of mere joy or happiness. Ch. Darwin, The expression of the emotions, p. 198.

bles. C'est ainsi qu'Horace nous demande si nous pourrions nous empêcher de rire en voyant une peinture où l'on combinerait en un seul individu les caractères les plus disparates d'animaux différents :

Humano capiti cervicem pictor equinam
Jungere si velit, et varias inducere plumas,
Undique collatis membris, ut turpiter atrum
Desinat in piscem mulier formosa superne;
Spectatum admissi risum teneatis amici ?

Art postique.

Si le rire, au fait, était simplement l'expression de la joie, il est bien clair que plus on serait joyeux, plus on éclaterait de rire. Mais il est d'observation quotidienne qu'il n'en est pas ainsi. Celui à qui l'on annonce une nouvelle qui le comble de joie, la succession d'un héritage considérable par exemple, ne se met pas à rire aux éclats. Et, d'autre part, quoiqu'il y ait toujours quelque joie chez le rieur, l'influence des circonstances extérieures qui entraînent à rire est si impérieuse que parfois l'on rit dans des moments où l'on n'y est rien moins que disposé.

Darwin, au reste, remarque lui-même que chez l'homme fait la simple émotion de joie ne suffit pas à provoquer le rire. « Chez les grandes personnes, nous dit-il, le rire est excité par des causes fort différentes de celles qui suffisent dans l'enfance; mais cette observation ne peut guère s'appliquer au sourire. A cet égard, le rire est analogue aux pleurs qui chez les adultes ne se produisent que sous l'influence d'une douleur mentale, tandis que chez les enfants ils sont excités à l'occasion d'une peine corporelle ou d'une souffrance quelconque, de même que par la crainte et par la colère. On a écrit plusieurs dissertations intéressantes sur les causes du rire chez les grandes personnes. Le sujet est extrêmement complexe. La cause la plus commune paraît être quelque chose de messéant ou de bizarre, excitant la surprise et un certain sentiment de supériorité chez

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le rieur. Celui-ci doit être, d'ailleurs, dans une joyeuse disposition d'esprit (1). »

Or, il y a dans ce passage tout à la fois quelque chose de la vérité et de l'erreur.

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Effectivement, on rit sous l'impression de quelque chose de messéant, d'une association bizarre et inattendue de circonstances, association qui, par suite, excite de la surprise. Souvent aussi, il y a chez le rieur, nous ne disons pas un sentiment d'orgueil, mais quelque sentiment de supériorité, en ce sens que si nous rions des travers d'autrui, c'est que nous ne nous sentons pas disposés à les imiter. Sur ce point donc, nous ne pouvons nous associer aux critiques qui ont été élevées par d'autres, notamment par L. Dumont (2).

Mais, à notre avis, Darwin se trompe complètement lorsqu'il distingue entre les causes du rire chez les enfants et chez les grandes personnes. Lorsque les enfants rient véritablement, ils rient par des causes analogues à celles qui agissent sur les grandes personnes. Alors aussi on remarque, chez eux, les mouvements spasmodiques qui, dans le rire, affectent la poitrine et surtout le diaphragme. Seulement, la plupart du temps, les enfants se livrent simple

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(1) With grown-up persons laughter is excited by causes considerably different from those which suffice during childhood; but this remark hardly applies to smiling. Laughter in this respect is analogous with weeping, which with adults is almost confined to mental distress, whilst with children it is excited by bodily pain or any suffering, as well as by fear or rage. Many curious discussions have been written on the causes of laughter with grown-up persons. The subject is extremely complex. Something incongruous or unaccountable, exciting surprise and some sense of superiority in the laugher, who must be in a happy frame of mind, seems to be the commonest cause. » Ch. Darwin, The expression of the emotions, p. 119-200.

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(2) Voir Léon Dumont. Le transformisme en Angleterre; Revue scientifique, 3 mai 1873, p. 1040-1041. Paris. Cet écrivain est d'ailleurs tombé dans une erreur de fait, lorsqu'il réfute Darwin, comme si le célèbre naturaliste avait enseigné que le rire chez les grandes personnes a pour cause quelque chose d'absurde. En effet, le mot incongruous, que nous avons traduit par messéant, et que L. Dumont traduit par absurde, n'a pas cette dernière signification.

ment à des éclats joyeux. Ces éclats joyeux, Darwin les confond bien improprement avec le rire, quoique celui-ci s'en distingue nettement par les caractères que nous venons d'indiquer.

L'assimilation, d'ailleurs, que Darwin cherche à établir avec le cas des pleurs, ne favorise en aucune façon sa thèse. Sans doute, de même que les grandes personnes ne se livrent pas aussi facilement que les enfants à des cris joyeux, de même encore chez elles les pleurs ne coulent pas aussi facilement que dans le jeune âge.

Mais ce n'est là qu'un effet de la retenue, de la contrainte morale qu'inspire l'éducation, et il ne s'ensuit pas que les causes du phénomène soient, au fond, différentes dans les deux âges. Si, en effet, les grandes personnes ne pleurent le plus souvent que sous l'influence d'une douleur mentale, les enfants peuvent également pleurer par cette cause. Et de même si le vrai rire n'est pas aussi habituel chez les enfants, parce qu'ils n'ont pas ordinairement l'intelligence assez avancée, ni assez vive, pour saisir le côté grotesque ou messéant des associations qui provoquent le rire des adultes, lorsque pourtant cette perception existe, ils rient comme les grandes personnes et pour des causes identiques : c'est là chez eux le signe d'une activitė intellectuelle précoce.

A l'appui de ses idées sur la signification essentielle du rire, Darwin invoque les observations faites sur les idiots. Ils seraient, d'après lui, une bonne preuve que le rire, comme le sourire, n'exprime originellement que le contentement ou la joie. Le lecteur va juger s'il en est ainsi.

<< Le D' Crichton Browne, dit Darwin, m'apprend que chez les idiots le rire est de toutes les expressions émotionnelles, la plus marquée et la plus fréquente (1). » Ce spẻcialiste cite l'exemple d'un jeune idiot qui, tout en se

(1) << Dr Crichton Browne... informs me that with idiots laughter is the most prevalent and frequent of all the emotional expressions. » Ch. Darwin, The expression of the emotions, p. 199.

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